
Résumé du rapport de stage de Marie Sellier (Mai-Août 2023)
Introduction et contextualisation
Au vu des préoccupations des GASAPien·nes tant pour la qualité et durabilité de leur alimentation que pour la juste rémunération et le bien-être de leurs agriculteur·rices, le Réseau des GASAP a décidé de mettre en place son propre « Système Participatif de Garantie » (SPG)1, impliquant ainsi acteurs locaux, consommateur·rices et producteur·rices dans un processus d’évaluation des pratiques des producteur·rices membres du Réseau.
Selon la définition posée par l’IFOAM, « les Systèmes Participatifs de Garantie sont des systèmes d’assurance qualité ancrés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances ».2
Afin d’obtenir une reconnaissance institutionnelle de leur SPG, le Réseau fait du plaidoyer après des instances publiques. Il travaille également à son amélioration et le fait évoluer constamment pour avoir un SPG couvrant de façon égale les trois dimensions du développement durable et de l’agroécologie : environnemental, social et économique. En effet, ce dispositif est en constante évolution : la réflexion de mise en place du SPG a commencé en 2015, avec le lancement effectif en 2017-2019 grâce au projet de recherche-action Cosy Food3 ; depuis 2021 le SPG se consolide avec le soutien financier de la région wallonne ; en 2023, les financements publics ont été accordés pour un peu plus d’un an, pour renforcer et développer le SPG au travers du travail en plateforme interassociative. L’avenir du SPG au sein du Réseau est donc assez incertain, d’où l’importance de montrer l’utilité d’un tel outil et les résultats concrets qu’il engendre.
Le travail mené dans le stage a tenté de répondre à la problématique suivante : comment améliorer et valoriser le Système Participatif de Garantie en s’appuyant sur les connaissances et résultats déjà observables au Réseau et dans la bibliographie.
Méthode
Pour répondre à ces enjeux, la première étape a été l’analyse des rapports de visite SPG du Réseau et des outils de diagnostic existant ailleurs qu’au Réseau. Ainsi que la prise en compte du travail participatif d’amélioration des outils fait avec les producteur·rices et les ambassadeur·rices impliqué·es dans la dynamique.
La rédaction d’un inventaire partiel des outils SPG ou de diagnostic agroécologique présents au national et à l’international (le MAP et VoedselTeams en Belgique, Nature & Progrès et Ferme d’avenir en France, OASIS au niveau européen, TAPE de la FAO au niveau mondial) a été fait en parallèle à l’étape d’analyse.
Après une première phase de recherche et comparaison des différents outils à celui du Réseau, un travail de réflexion sur son amélioration a été entamé avec l’équipe, ce qui a porté à une modification du « questionnaire de pré-visite » et une meilleure définition des critères d’évaluations du « diagramme agroécologique », pour mieux les adapter aux besoins de l’association et pour y intégrer des éléments pertinents rencontrés dans d’autres outils.
Concernant la valorisation de l’outil, une base de données a été élaborée ayant pour but de compiler les premiers résultats du dispositif et en faire ressortir visuels et graphiques semi-statistiques. Un travail de rédaction de « fiches de bonne pratiques » a également entamé dans le but de capitaliser les résultats des visites et d’en faire un outil pratique à destination des producteur·rices.
Améliorations obtenues
Amélioration du diagramme agroécologique
Tout d’abord concernant le diagramme agroécologique (figure 1) du Réseau, le principal changement se situe au niveau de l’axe « pratiques de production ». En effet, les catégories ont été réarrangées, car il a été observé, lors de la rédaction des rapports de visite, que certaines catégories se chevauchaient et leurs limites étaient peu claires. Ainsi, les nouvelles sous-catégories, plus connotées agronomie, sont : « Biodiversité et écosystème » et « Gestion du sol et de l’eau ».
D’autres changements mineures ont été apportés. Pour en assurer la cohérence, la « fiche référentielle » à destination des ambassadeur·rices qui facilite l’animation des visites, a été modifiée en accord avec le nouveau diagramme.
Amélioration du questionnaire pré-visite
Concernant le questionnaire de pré-visite, certaines questions ont été modifiées ou précisées, d’autres ajoutées, notamment sur certaines pratiques de production. Le plus gros travail a été fait sur la réorganisation des différentes catégories (parfois renommées pour plus d’adéquation avec son contenu) et sur la fusion des 3 questionnaires : maraîchage, élevage et transformation. En effet, la volonté était d’avoir un seul questionnaire comportant toutes les questions pour avoir un outil standardisé et pour faciliter le traitement des données. Tout ce travail a été réalisé en s’appuyant également sur les réponses de questionnaires déjà collectées. Ont été ainsi prises en comptes les remarques fait par des producteur·rices ayant déjà répondu aux questions et trouvant certaines peu claires ou manquantes.
Concernant la valorisation du questionnaire pré-visite, pour l’instant, son utilité principale est d’être de support au/à la facilitateur·rice, qui prend connaissance en bref de l’état de l’exploitation où la visite se déroulera avant celle-ci. C’est pourquoi, le potentiel de ces questionnaires a été exploité en analysant les réponses récoltées entre janvier 2019 et juillet 2023 (une vingtaine au total). Les résultats de cette analyse a été présentée en fin de stage à l’équipe des permanent·es, aux agriculteur·rices, aux administrateur·rices, aux ambassadeur·rices et à d’autres partenaires du Réseau.
Capitalisation des résultats des visites : les fiches « bonnes pratiques »
Pour capitaliser et valoriser les résultats du SPG, la rédaction de fiches « bonnes pratiques » a été entamée. Ces cartes sont réalisées dans le cadre du projet européen COACH4 pour être finalisées en fin septembre. Ces fiches sont présentées sous forme de cartes thématiques. Les sujets abordés sont divers et s’inspirent des besoins et demandes récoltés lors de visite SPG et exprimés dans les rapports de visite.
Neuf cartes, trois pour chaque dimension du diagramme, ont été rédigées. Avec les thèmes suivants :
- axe pratiques de production : gestion et économie de l’eau, techniques agricoles liées au sol (avec un focus sur problèmes de pollution), la question des semences et plants (contacts utiles, focus sur les hybrides-F1) ;
- axe économique : comment avoir un prix rémunérateur, la logistique (en amont et en aval), l’achat-revente (et comment le promouvoir entre producteur·rices du Réseau) ;
- axe social : comment faciliter et améliorer la communication, la solidarité et la convivialité.
Ces cartes seront disponibles en fin octobre 2023 en français et en anglais.
Résultats de l’analyse des questionnaires
L’analyse des données des questionnaires pré-visites (20 au total) a permis d’avoir des résultats qualitatifs et quantitatifs, présentés ici de manière succincte. Pour contextualiser : la majorité des producteur·rices enquété·es sont des maraîcher·ères, toustes les producteur·rices sont des professionnels avec plus de trois ans d’expérience et cultivent sur des petites surfaces (2,2 ha en moyenne pour les maraîcher·ères).
Dimension des « pratiques de production »
Points positifs :
- Toustes les agriculteur·rices enquété·es favorisent fortement leur biodiversité. En effet, toustes les enquêté·es ont au moins un type d’espace naturel sur leur terrain. Une majorité des maraîcher·ères font de l’autoproduction de plants ce qui leur permet d’avoir moins de dépendance aux pépiniéristes extérieurs.
- Les agriculteur·rices se veulent le plus autonome possible sur l’eau et l’énergie, notamment avec le contexte climatique et économique actuel.
- L’irrigation est économe en eau chez les maraîcher·ères (goutte à goutte utilisé dans la majorité des cas, aspersion aussi pour une bonne moitié).
- Les pratiques maraîchères respectent, voire favorisent fortement la vie du sol. Notamment via la limitation du travail du sol et l’apport de paille, broyat, fumier, compost, etc.
- Toustes les agriculteur·rices enquété·es ont suivi une formation agricole théorique et pratique. Toustes sont donc des professionnels.
- Toustes les agriculteur·rices enquété·es ont au moins une certification en plus du SPG.
Points à surveiller :
- La question de l’achat-revente est à rediscuter, car certain·es producteur·rices sont à plus de 40% en moyenne, ce qui est la limite fixée par la charte du Réseau.
- Malgré qu’iels aient déjà fait pour la plupart au moins une formation, les producteur·rices ressentent le besoin de continuer à se former, notamment sur les aspects techniques poussés ou les aspects non agricoles (communication, gestion comptable, etc.).
Dimension « économique »
Points positifs :
- Les producteur·rices semblent avoir une tendance à la diversité de débouchées ce qui est favorise la résilience de leur modèle économique.
- L’évolution du chiffre d’affaires est en hausse ou stable pour le 80 % des producteur·rices enquêté·es, ce sont donc des fermes que globalement se portent bien.
- Le nombre de GASAP livrés est variable selon la surface cultivée et les envies des producteur·rices en termes de dépendance aux GASAP. La moyenne est de 5 groupes par producteur·rices (maraîcher·ères ou éleveur·eues), ce qui est synonyme d’un soutien d’au moins 100 ménages (la moyenne étant de 20 paniers par GASAP).
Points à surveiller :
- 11 sur 19 producteur·rices, donc environs 60 % d’entre elleux, se considèrent à l’équilibre financier, ce qui est un chiffre encourageant mais qui pourrait être amélioré.
- Le non-endettement observé chez presque la moitié des enquêté·es peut-être un bon comme un mauvais chiffre, car les raisons derrière ce chiffre ne sont pas connues. Il serait intéressant de faire une étude plus poussée sur ce sujet pour accompagner au mieux lesoducteur·rices lorsqu’iels sont en difficulté.
- Les producteur·rices s’appuient souvent de la main d’œuvre temporaire : saisonniers, stagiaires, bénévoles…. En effet, celleux-ci sont souvent plus pratiques que des ouvriers à l’année qui sont moins flexibles sur la variabilité de la charge de travail en fonction des saisons.
- Les terres cultivées sont majoritairement des locations (totales ou partielles), avec seulement une personne sur les 19 en propriété totale. Mais le plus alarmant qu’il faut surveiller de près est la situation précaire de certain·es avec des baux informels ou accords oraux !
- Le nombre d’heures de travail est élevé pour un revenu pas souvent au rendez-vous (appréciation uniquement qualitative d’après le compte rendu des discussions dans les rapports de visite).
Dimension « sociale »
Points positifs :
- On observe une préférence pour la forme sociétaire probablement à cause du fait que la responsabilité juridique de l’entreprise ne repose pas sur l’individu dans un tel statut ce qui est avantageux notamment en cas de difficultés financière de l’entreprise. Une diversité de formes sociétaires a été cité avec une préférence pour les sociétés coopératives.
- Les producteur·rices semblent préférer la communication directe. Ce résultat peut être dû au caractère plus rapide, efficace et conviviale d’un tel mode de communication. La majorité des producteur·rices font d’ailleurs elleux-même les livraisons aux GASAP pendant lesquelles iels ont l’occasion de discuter avec leurs mangeur·euses !
- Les producteur·rices sont connecté·es à leur territoire et font presque toustes partie d’un organisme en plus du Réseau des GASAP, comme le syndicat paysan « le MAP », les coopératives Agricovert, CABAS, etc. par ailleurs tous organismes partenaires du Réseau.
Points à surveiller :
- Nos producteur·rices font un travail difficile physiquement et mentalement. Lorsque questionné.es sur le sujet, on remarque que la pénibilité au travail est surtout ressentie au niveau psychologique (en tout cas au début de l’activité, les problèmes physiques ayant tendance à arriver plus tard) !
- D’un autre côté, les enquêté·es se sentent globalement soutenu.es par leur(s) GASAP, ce qui montre l’importance des groupes dans le moral de leurs producteur·rices.
Conclusion générale
Finalement, le travail du stage a permis de mieux valoriser les outils SPG du Réseau des GASAP à travers trois actions principales.
1. Améliorer le SPG du réseau des GASAP. Notamment, compléter certains outils et arriver à une meilleure cohérence entre ceux-ci ; spécifier et intégrer des thématiques plus agronomiques ; comparer davantage des outils de diagnostic existants en Belgique et dans le monde.
2. Traiter les données déjà acquises (et exploitables) pour évaluer une tendance chez les producteur·rices du Réseau et en ressortir des données semi-statistiques afin de les utiliser comme argument dans les différents plaidoyers portés par le Réseau avec les partenaires.
3. Capitaliser les résultats obtenus au cours des visites et des rencontres autour du SPG pour créer des outils pratiques à destination des producteur·rices, dans un premier temps, et des mangeur·euses, dans un deuxième temps.
Le SPG est loin d’être un outil figé ! Il se nourrit constamment et ne cesse d’évoluer. Ce travail de stage renforce les bases pour entamer la prochaine phase du projet SPG : renforcer l’accompagnement des producteur·rices ; travailler de manière plus rapprochée avec les initiatives qui soutiennent les paysan·nes et les dynamiques en circuit court partout en Belgique, pour toucher à un grand nombre de producteur·rices et de mangeur·euses.
2IFOAM – International Federation of Organic Agriculture Movements https://www.ifoam.bio/our-work/how/standards-certification/participatory-guarantee-systems
3https://www.cocreate.brussels/projet/cosyfood/
4https://hub.urgenci.net/beacons/gasap-participatory-guarantee-system/