Les groupes d’achat solidaire connaissent un succès grandissant. Les consommateurs sont en lien direct avec le producteur. Une promotion de la filière courte à l’encontre des (il) logiques de la grande distribution.
Tous les quinze jours, la cinquantaine de ménages se retrouve dans un point de dépôt. Serge, le maraîcher, vient y livrer ses légumes. Sont alors constitués les fameux “paniers”, comprenant tout un panel de légumes de saison. Des quantités pour une à quatre personnes, selon le ménage. Ici, pas d’intermédiaires.
L’initiative entend montrer qu’un fonctionnement en filière courte, liant directement le producteur au consommateur, est une affaire de choix. Ce choix porte le nom de “Groupe d’achat solidaire de l’agriculture paysanne”, ou GAS. Il en existe aujourd’hui trois à Bruxelles : à Ixelles, Saint-Gilles et Schaerbeek. L’idée germe quand Mathieu Dohmen et Kari Stévenne, tous deux jeunes agronomes, créent fin 2004 leur ASBL, Le début des haricots.
“Au départ, le but était de promouvoir une autre agriculture à échelle humaine et locale, raconte Mathieu Dohmen, mais aussi d’éveiller les personnes aux problèmes du chimique et de la récupération du bio par
la grande distribution et les multinationales.”
Très vite, l’idée du groupe d’achat fait son chemin. Restait à trouver un producteur ayant les mêmes convictions, attentes et envies en matière d’agriculture. “Nous sommes entrés en contact avec la ferme Arc-en-ciel, qui est un producteur très alternatif par rapport à ce qu’on peut trouver en Belgique, explique Mathieu Dohmen; il refuse les subsides et travaille en famille sur des petites parcelles à la main.” Le maraîcher distribuait déjà une cinquantaine de paniers sur Bruxelles. Une vision de la proximité qui correspond à celle de Mathieu et Kari, lesquels se mettent en tête de l’aider. Un producteur de fromages vient aussi s’ajouter.
Consom’acteurs
Le premier GAS voit le jour en février 2006. A l’époque, le producteur livre dans une cave privée. Mais le GAS est vite victime de son succès, et se trouve en quelques mois à l’étroit face aux nombreuses demandes. Les groupes de Saint-Gilles et Schaerbeek ne vont pas tarder à voir le jour. “Nous nous basons sur le principe de l’autogestion, il ne s’agit pas de venir acheter un panier avec son nom dessus et de repartir, précise Mathieu Dohmen, on adhère à un groupe solidaire dans lequel on se répartit les tâches.” D’où l’expression “consom’acteurs”. Et le fondateur d’ajouter : “C’est cette autogestion qui crée la cohésion et le long terme.”
On l’aura compris, il n’y a dans les GAS ni dirigeant, ni meneur. Tous les membres sont à la même enseigne, et les tâches sont réparties également : “Finalement cela nous prend très peu de temps !” En plus de sa pérénité, ce fonctionnement garantit au GAS une certaine convivialité. Tous les ménages se connaissent, et connaissent également le araîcher et le fromager. Une proximité qui pousse les GAS à s’auto-limiter : ils s’efforcent de ne pas dépasser la vingtaine de ménages par groupe : “On nous reproche parfois ce côté un peu fermé, mais j’incite les gens qui sont sur liste d’attente à créer eux-mêmes leur propre GAS.
Les membres des différents GAS adhèrent à une charte commune, assez radicale. Afin de garantir au maraîcher un écoulement régulier de sa production, les membres sont liés à lui par un contrat individuel local, dans lequel le ménage s’engage à acheter un certain nombre de paniers durant l’année. “N ous sommes aujourd’hui à une période charnière puisque notre maraîcher est arrivé à une production maximale de 80 contrats, précise Mathieu Dohmen, mais il y a cinq ou six groupes en formation avec d’autres producteurs.”
Les différents GAS sont reliés par un réseau. Ils ne fonctionnent pas pour autant de manière coordonnée, le réseau servant plutôt au partage des diverses expériences, et à des discussions générales sur le thème de l’achat solidaire. Il faut noter que le système du GAS n’est pas nouveau. Apparu au Japon puis aux Etats-Unis, il connaît également un large succès en France sous l’appellation Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap).
Alexandre Alajbegovic, Lalibre.be, Mis en ligne le 17/12/2007