La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) fait son chemin en Belgique, et le Réseau des GASAP y prend toute sa part. Présent·es à la plenière CréaSSA du 17 juin, puis à l’interpellation parlementaire du 3 juillet, nous avons assisté à deux temps forts qui posent clairement les bases : garantir une alimentation juste, durable et accessible à tou·tes, c’est défendre à la fois les droits des citoyen·nes… et ceux des paysan·nes.
« Ce qu’on fait est indispensable. Mais ça ne suffit pas. »
C’est sans doute l’une des phrases qui a résonné le plus fort lors de l’intervention de Jean-Claude Balbot, éleveur laitier, ex-président du CIVAM, engagé en AMAP (*équivalent français des GASAP), et membre créateur du Collectif pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation. Son constat, tiré de plus de vingt ans d’expérience : les circuits courts sont essentiels au maintien d’une agriculture locale… mais ils ne changent pas la donne structurelle.
« En France, une ferme maraîchère ne tient que 4 ans et demi, en moyenne. »
Ce chiffre, froid, pèse lourd. Il dit tout du déséquilibre entre l’injonction à produire mieux et l’absence de garantie de revenu, même pour celles et ceux qui se donnent corps et âme à la terre. Mais il ne s’agit pas d’un appel à se démobiliser. Au contraire, c’est un appel à poursuivre et à amplifier notre modèle. Ainsi, pour Jean-Claude, la conclusion est limpide : il faut institutionnaliser une forme de solidarité collective, où la sécurité alimentaire des un·es garantit la sécurité économique des autres. Une sécurité sociale de l’alimentation, sur le modèle de celle des soins de santé.
En Belgique : un terreau fertile… et des initiatives qui poussent
Bonne nouvelle : en Belgique, le terrain semble plus propice à cette mutation. Les milieux académiques se sont saisis de la question, des recherches solides ont vu le jour, et plusieurs initiatives citoyennes montrent qu’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est à la fois souhaitable, réaliste et déjà en chantier.
Le Réseau des GASAP en est un exemple vivant, à travers le projet PANIERS, lancé en 2024. Notre objectif ? Expérimenter une forme concrète de SSA à l’échelle locale.
Ce projet vise à rendre l’alimentation bio, locale et durable accessible aux personnes précarisées grâce à un modèle collectif, solidaire et participatif. À travers un système de paniers à prix réduits, de cofinancement solidaire et de gouvernance partagée, P.A.N.I.E.R.S. donne corps aux principes d’une alimentation comme droit, pas comme un luxe, tout en soutenant des producteur·ices engagé·es.
Le constat est qu’une Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA) viable doit associer justice sociale et transition agricole, et elle ne pourra voir le jour que si les initiatives citoyennes sont reconnues et soutenues politiquement.
Car oui, les personnes à faibles revenus veulent manger bio, mais leur portefeuille reste le principal frein. Trop souvent, l’alimentation devient une variable d’ajustement.
L’enjeu n’est pas le « prix »… mais le juste revenu et l’accès universel
Dans les débats, plusieurs voix ont pointé une confusion fréquente : on parle beaucoup de prix juste, mais rarement de rémunération décente pour les paysan·nes, ou d’un mécanisme public qui garantit l’accès à une nourriture saine pour toutes et tous. Ce que portent le Réseau des GASAP à travers le projet P.A.N.I.E.R.S., c’est justement cette articulation : soutenir les producteur·ices en fixant un revenu convenu à l’avance, et en imaginant des formes de mutualisation des contributionspour que personne ne soit exclu pour raisons financières.
La SSA s’invite au Parlement…
Le 3 juillet, la SSA s’est invitée au Parlement bruxellois, avec une proposition de résolution portée en Commission Santé pour une politique publique du droit à l’alimentation. FIAN Belgium y était auditionné, et plusieurs initiatives citoyennes étaient représentées.
Parmi elles, une volontaire du Réseau des GASAP, venue apporter notre soutien à cette démarche. Lisez plutôt son témoignage ci-dessous :
Le regard de Sandra, volontaire pour le Réseau des GASAP
« Jeudi 03 juillet dernier, j’ai assisté à la proposition d’une « politique intégrée renforçant le droit universel à l’alimentation et favorisant l’application du modèle de la Sécurité sociale de l’alimentation » (SSA pour les intimes), présentée au parlement bruxellois. Loin d’être calée sur le sujet, je voulais aider le collectif derrière cette proposition à montrer que les citoyens aussi étaient mobilisés.
Sur place, l’ambiance m’a fait penser à un plateau de tournage, avec des personnages qui jouent chacun leur partie. En dehors d’un contexte légèrement scénarisé, j’ai trouvé certains échanges intéressants. Donc, pour revenir sur le sujet, la commission de la santé prenait part à un débat autours d’un modèle de sécurité sociale pour l’alimentation. Il y a eu de nombreuses questions logistiques liées à la gouvernance, aux budgets (évidemment), les critères qui pourraient être choisis pour favoriser les circuits courts, l’économie locale et le soutien de modes de production plus durables. Enfin, une question par rapport au ressenti des personnes qui prennent part aux projets pilotes et je trouve cette dernière question particulièrement pertinente pour les membres du réseau.
J’ai eu le sentiment que le premier blocage par rapport à la proposition était celui de passer à une plus grande échelle, d’avoir des preuves que le modèle est durable et répond aux objectifs fixés. Je suis donc assez enthousiaste à l’idée que la proposition soit bien perçue. Je vais continuer à m’informer, je me suis notamment abonnée à la newsletter du CréaSSA. Et surtout, je reste curieuse de savoir si les personnes (politiques) qui se sont engagées à aller vers les auteurs de la proposition avec leurs questions l’ont fait pour le public ou parce qu’il y avait une vraie curiosité et envie de contribuer derrière. »
Vers une bascule politique… ou un énième débat stérile ?
Le risque, comme toujours, est que ces débats ne restent que cela : des débats. Mais les ingrédients sont là. Une proposition claire, des acteur·ices mobilisé·es, une vision ancrée dans le vécu et les expériences de terrain. Le Réseau des GASAP continuera d’y contribuer, en poussant pour que la SSA ne soit pas qu’un slogan, mais une politique publique financée, assumée et co-construite.
Et si on veut éviter un avenir où les légumes sont produits par des robots ou des travailleurs surexploités à l’autre bout de l’Europe, il va falloir choisir clairement nos priorités collectives. C’est pour cela que nous nous inscrivons dans un mouvement plus global qu’est le CréaSSA car, même si l’adage n’est pas nouveau sa portée est toujours d’actualité, « ensemble, on est plus fort•e » !
🔗 En savoir plus sur le projet PANIERS : www.gasap.be/projet-paniers
📄 Lire la résolution SSA déposée au Parlement bruxellois : Texte officiel
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(Pour toute personne intéressée, les commissions sont transmises et disponibles en direct sur YouTube, disponible ici).
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