
Les 15-16-17 octobre prochains, de nombreuses associations appellent à la mobilisation contre les Traités de libre-échange. Censés favoriser le commerce et la croissance, ces traités auront un impact direct sur notre quotidien à travers les services publics, l’énergie, la sécurité alimentaires, la qualité des médicaments et des soins de santé, les normes de toxicité, la liberté du web, la sécurité sociale, la culture,… et des répercussions importantes pour nos agriculteurs.
TTIP/TISA/CETA Késako?
Le TTIP, traité transatlantique de commerce et d’investissement (également appelé TAFTA), se négocie actuellement entre l’UE et les Etats-Unis. Le CETA (Compréhensive Economic and Trade Agreement) concerne les échanges commerciaux entre l’UE et le Canada et est déjà en cours de ratification. Leur petit frère TISA (Trade in Services Agreement), négocié entre 23 membres de l’Organisation Mondiale du Commerce dont l’UE, représentant à lui tout seul 70% du commerce mondial des services, est également toujours en cours de négociation.
Selon leurs défenseurs, ces trois Traités viseraient à faciliter le commerce en harmonisant les normes internationales: ils supprimeraient ce qu’il reste de droits de douane en supprimant les « barrières au commerce », autrement dit les normes et réglementations auxquelles sont soumises les entreprises exportatrices. Alors que 90 % des interlocuteurs sont issus des lobbies industriels (principalement l’agro-industrie), la société civile est quant à elle soigneusement gardée à l’écart des négociations sur lesquelles pèse le plus grand secret.
Ces traités comprennent également la mise en place d’un mécanisme de Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats (souvent désigné par son acronyme anglophone ISDS) : ces tribunaux d’arbitrage seraient composés d’« experts » qui seraient en fait des avocats d’affaires issus du secteur privé. Il est donc fort à parier que ceux-ci veilleront surtout à protéger les intérêts des entreprises contre les législations jugées abusives décidées par les Etats où elles seraient établies.
Et ils sont dangereux ces accords, Madame ?
Oui. Ces Traités auront un impact direct sur notre quotidien : sécurité alimentaire, normes de toxicité, qualité des médicaments, environnement, liberté du web, énergie, services publics, sécurité sociale, culture, … Ils visent l’uniformisation des normes entre l’Europe et les Etats-Unis, par nivellement par le bas, et ce dans tous les domaines afin d’augmenter les exportations.
Additionnés aux politiques d’austérité actuelles, ces Traités mettront en danger de nombreuses PME et indépendants, favoriseront le dumping au détriment des conditions de travail et des salaires, menaceront d’intensifier la privatisation des services publics, remettront en question des acquis sociaux de base, … En bref, ils favoriseront les intérêts privés au détriment de préoccupations démocratiques, sociales, environnementales et sanitaires des citoyens.
Quant aux Tribunaux d’arbitrage, il est extrêmement probable qu’ils aillent dans le même sens, en permettant surtout à des multinationales d’attaquer nos Etats en justice pour défendre leurs intérêts financiers. Ces Tribunaux existent déjà depuis 1994 pour la zone ALENA (zone de libre-échange nord-américaine, réunissant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique).
En 20 ans, le Canada a été attaqué 30 fois par des firmes privées américaines et a perdu 30 fois. Quant au Mexique, 5 plaintes ont été déposées contre lui par des firmes américaines qui, au total, l’ont obligé à payer 204 millions de dollars… Car le Mexique a perdu 5 fois. Et aucune des 22 plaintes déposées contre les USA par des firmes canadiennes ou mexicaines n’ont abouti.
Quelles conséquences pour nos agriculteurs ?
Alors que la semaine dernière, ils étaient des milliers dans les rues de Bruxelles à dénoncer la suppression des quotas laitiers et la chute des prix, il est fort à parier que le TTIP ne fera que renforcer l’approche dérégulatoire déjà adoptée par l’Europe et accroître les difficultés voire la précarité financière de nos agriculteurs.
L’accord ALENA (traité similaire entré en vigueur en 1994 pour la zone nord-américaine) amenait pour le Mexique la promesse d’un développement économique sans précédent : création d’emplois, augmentation des salaires et diminution du prix de la nourriture à la clé. A la place, le libre-marché a détruit l’industrie agricole d’un pays autrefois en situation d’autosuffisance alimentaire, le rendant dépendant des importations américaines.
Le Parlement européen lui-même prévoit une diminution importante de la production de viande (remplacée par des importations américaines) avec l’entrée en vigueur du TTIP mais annonce une hausse globale de la production agricole de 0,06 %. Ces quelques dixièmes de pourcent ne seraient quant à eux gagnés que grâce à l’augmentation de la productivité, en quelques mots : plus de fermes-usines et toujours davantage de concentration des moyens de production, sans aucune garantie de revenus pour les agriculteurs.
Et notre assiette dans tout ça ?
Les négociateurs américains ne se cachent pas de vouloir imposer la viande aux hormones, le poulet chloré, le bétail cloné, les OGMs et les pesticides ainsi que de remettre en question le modèle européen de traçabilité des aliments. Ils veulent par ailleurs imposer le principe de preuve scientifique pour l’interdiction des substances dangereuses au lieu du principe de précaution actuellement utilisé en Europe. Cela signifierait de très longues, voire interminables procédures d’interdiction durant lesquelles les industriels verraient leur profits augmenter au détriment de la santé des consommateurs et de l’environnement.
Mais ce n’est pas tout ! Si le TTIP venait à entrer en vigueur, toutes les réglementations futures visant à favoriser le développement de systèmes alimentaires plus durables pourraient être considérées par les agro-industriels comme des « barrières au commerce » et se verraient dès lors annulées avant même d’avoir vu le jour. C’est donc le principe-même de souveraineté des états qui est en péril.
Que faire ?
Participer aux manifestations des 15-16 et 17 octobre.
Signer l’initiative européenne auto-gérée demandant l’arrêt immédiat des négociations. Plus de 2 750 000 signatures récoltées à ce jour !
Mais aussi en parler autour de vous !
Quelques liens pour en savoir plus :
www.no-transat.be
http://corporateeurope.org/international-trade/2014/07/ttip-lose-lose-deal-food-and-farming